vendredi 1 avril 2016

les Agudes : le mariage des frères ennemis

Lorsqu'on aborde les vins blancs de Loire, il y a souvent deux écoles :  d'un côté, ceux qui adorent le Sauvignon, et d'autres qui ne jurent que par le Chenin. J'aurais plutôt tendance à faire partie du deuxième groupe, même si j'avoue avoir été impressionné par certains vins issus du Sauvignon (Clos de la Néore, François Cotat,  Didier Daguenau...). En fait j'aime le Sauvignon lorsqu'on a du mal à le reconnaître. Alors que ça ne me pose pas de problème pour le Chenin.

Mais pourquoi je vous parle de cela ?

Parce que Fabien Jouves a eu l'idée de réunir ces deux cépages dans le même vin :  Les Agudes. Cela doit arriver de temps en temps dans des Crémants de Loire, mais la rencontre est rarissime (on trouve plus facilement Chardonnay  + Sauvignon, par ex. à Cheverny). Conceptuellement,  on a un peu de mal à imaginer ce que ça peut donner tant ils sont dissemblables. En fait, le vigneron cadurcien a joué sur les maturités des raisins, dépassant le stade du variétal de chaque cépage. Du coup, l'alliance fonctionne bien, chacun faisant son job (le croquant du Sauvignon, la belle amertume du Chenin...). Le résultat ne ressemble ni à l'un ni à l'autre. Bien malin qui découvrirait l'assemblage à l'aveugle.

Il est conseillé de bien aérer le vin avant le déguster (carafage d'une heure, par ex) et de ne pas le servir trop froid (12-14°C).

La couleur d'un or intense fait penser à un liquoreux. Le nez est tout aussi intense, sur la pomme au beurre, la pêche jaune, le miel d'acacia, avec une pointe de zeste de mandarine qui apporte de la fraîcheur.

La bouche surprend du coup par sa fraîcheur éclatante, sa rondeur pulpeuse – on croque dans la baie de raisin – et son fruit extraverti. L'ensemble est tonifié par un léger perlant qui donne l'impression de sucer un bonbec acidulé.

La finale est expressive, soulignée par une amertume typique du Chenin, se poursuivant assez longuement sur une mâche épicée.

La bonne nouvelle, c'est que l'expérience n'est pas trop ruineuse : 11,90 €. Ce vin  les vaut largement, je pense, car il est un univers gustatif à lui tout seul, sans point de comparaison possible. En accord met/vin, je le verrais bien avec des crevettes façon Thaï ou un tajine relevé par des écorces d'agrumes (mais pas de pruneau ou d'abricot). Mais un bout de vieux Parmesan peut aussi faire l'affaire.


1 commentaire:

  1. Toujours saisi par la qualité de vos (ton) compte rendu,je viens de m ouvrir cette quille(comme le dise les initiés) et je retrouve en nez et en bouche tout ce que j ai lu!Pour en lire parfois des C.R. (comme disent les lpvien) j apprécie paticulierment chez vous (toi) aussi et surtout le côté concis et simple mais avec ce juste supplément d âme,on sent que Mr bernardin ne s écoute pas écrire,cela semble spontané et écrit d un trait!
    Chapeau l artiste et merci!

    RépondreSupprimer